Papier, liseuse, audio, qu'importe le format pourvu qu'on ait l'ivresse

scrabble4 a écrit:C'est bien un Munch Aline
Et bien ta lecture avec Oli ?

Bon, ça va, je n'ai pas trop perdu l'oeil en peinture.

Oli est l'héroïne des Doigts coupés d'Hannelore Cayre. Un roman noir que la couverture qualifie de "préhistorique", ce qui est vrai, mais qui est aussi un vrai manifeste du féminisme il y a 35 000 ans. Un régal pas encore fini, ce sera mon prochain ajout à ma bibli. Ça dépote chez les premiers sapiens et surtout chez les sapiennes.
Sans plus attendre, je vais le mettre déjà sur mes étagères pour les candidates et candidats à une lecture tonique.

Bonnes lectures.

  8   Un roman noir... préhistorique et féministe      

Cayre, Hannelore – Les doigts coupés

Paru en mars 24. 160 pages




Un coup de cœur.

Sur les contreforts de la vallée de la Vézère, la pelleteuse d'un maçon dévoile l'entrée d'une grotte contenant deux squelettes. La paléontologue appelée d'urgence va étudier le site qui révèle aussi une grande collection de « mains négatives » aux phalanges ou doigts coupés. Datation : - 35 000 ans, début de l'aurignacien, pas étonnant dans cette zone tellement riche en vestiges.

La paléontologue considère cette grotte comme une scène de crime. Quand elle a des renseignements précis, elle organise un colloque scientifique. L'étude qu'elle présente alterne dans le livre avec la reconstitution (supposée!) des faits, c'est-à-dire l'enquête « policière préhistorique ».

L'héroïne Oli (oui, pas le nôtre) vit dans une tribu très peu nombreuse de sapiens. Evidemment, les hommes chassent, les femmes restent au campement pour toutes les tâches ménagères : les enfants, le travail sur les carcasses, la tailles des silex. Les hommes mangent la meilleure part du gibier avant de rejoindre les femmes et les enfants, sous-alimentés.

Oli est considérée dans le clan comme une « anomalie », d'où son nom, car jumelle. Et fille ! Son jumeau, empoté, lui, est un garçon considéré comme normal. Pourtant Oli est beaucoup plus douée que son jumeau. Elle va, avec sa sœur, inventer le propulseur qui augmentera très considérablement la vitesse et la portée de sa lance. Elle comprendra la première la relation causale entre les naissances et le sexe (pratiqué de façon très débridée dans la tribu).
Cela fait une agglomération de découvertes de ce temps, concentrées sur une seule personne.

Surtout, Oli s'oppose violemment au chef, Oncle-aîné (Hannelore Cayre a lu Levi-Strauss et beaucoup d'autres), qui raconte les mythes et pratique une justice très expéditive. A la moindre incartade d'une femme, il lui coupe immédiatement des phalanges ou même un ou deux doigts. Et Oli est spécialiste des désobéissances et des insolences. En particulier elle veut chasser, elle sait qu'elle serait plus douée que les hommes. Elle a d'ailleurs rencontré un jour une tribu pacifique de néandertaliens où l'une des femmes chassait.

Après ses nombreuses amputations digitales, elle se rend sur l'autre rive de la Vézère dans la grotte qui renferme les pochoirs de mains mutilées des femmes-ancêtres pour y ajouter les siennes.

L'extraordinaire dans l'histoire d'Oli est que l'auteure fait parler les sapiens comme vous et moi. Langage moderne, cru, drôle. Foin des seuls grognements, ces sapiens ont un vocabulaire d'une grande inventivité. Certains scientifiques pensent effectivement que les sapiens possédaient un langage évolué. Sans doute pas avec les expressions qu'Hannelore met dans leur bouche, ce heurt brutal avec notre modernité est très amusant.  
Hannelore a exploité les derniers ouvrages des paléontologues sur les études de genre, d'où la grande composante féministe du livre. Très réjouissant aussi.

Merci de ton passage, macocotte. Bises.

11  Avec un peu de fantastique   

Divry, Sophie – Fantastique histoire d'amour




Paru en 2024. 512 pages en papier, 413 en epub.
Le côté partiellement fantastique du livre, annoncé dans le titre, est revendiqué par l'auteure dans son interview du 23-2-24 au Monde des livres. Murakami l'a inspirée.  

Deux personnages :
Bastien, inspecteur du travail, quitté par sa compagne, envahi par la tristesse. Il est désespéré par son impuissance à soutenir les salariés qui viennent le solliciter et aussi à convaincre les juges d'agir lorsqu'il constate de très graves dysfonctionnements de sécurité dans les entreprises qu'il inspecte. Il essaie se consoler comme il peut dans l'alcool et une vague foi catholique.
Maïa, une battante, journaliste scientifique passionnée par son métier dans un magazine spécialisé. Mais elle est licenciée à cause des difficultés financières du journal.  
La première moitié du livre alterne la vie de ces deux personnes. Un récit très réaliste et bien mené.

Leur rencontre n'aura lieu que plus tard autour d'une inquiétante machine, une compacteuse qui agglomère des bouteilles de plastique en ballots, sauf qu'il y parfois autre chose que du plastique à compacter...
Cette deuxième partie s'articule autour d'un cristal mystérieux, issu de l'échec d'une réaction chimique. Il est très beau et infiniment toxique, sa vue est addictive, il agit rapidement sur le cerveau de ceux qui l'approchent. Le livre vire au polar, un peu au fantastique, et continue à offrir un grand plaisir de lecture.
L'ouvrage est bien cousu par Sophie Divry.

Aline a encore cherché la difficulté où le clin d'œil avec ce coup double- livre un peu fantastique et le mot fantastique dans le titre

là, je passe. Merci Aline

Un peu d’Impressionnisme avec Eugène Boudin

Merci Oli.
As-tu bien digéré tout le chocolat ?

Bonjour !
Je te pique cette fantastique histoire d'amour: elle m'intrigue.

J'ai prévenu, il n'y a qu'un peu de fantastique, la création, les effets et la recherche de ce foutu cristal bleu.
Merci de ta visite, thisbe. Bon dimanche.

Aline je me permet de prendre le gif ci-dessus comme nouvel avatar. Trop beau

Merci macocotte. Tellement précieuse, cette sculpture, qu'à première vue, je n'avais pas reconnu la matière. Mais oui, elle est en chocolat ! Bises.

33  Avec une conjonction de coordination    

Qiu, Xiaolong – [Inspecteur Chen 13] - Amour, meurtre et pandémie




Le dernier volume paru (en 2023 en France) des enquêtes de l'inspecteur Chen Cao.
A noter : ces livres sont écrits en anglais, et Qiu Xiaolong est installé aux Etats-Unis. Pas étonnant qu'il ose critiquer ainsi le régime chinois.

Shangaï 2020. Pendant que la ville de Wuhan vit un véritable martyre, l'épidémie de covid atteint Shangaï, soumise elle aussi à la règle pourtant intenable du zéro covid.
Des soignants du meilleur hôpital sont tués de façon identique en pleine nuit.
L'inspecteur Chen, pourtant tenu en grande suspicion par les autorités à cause de son esprit trop libre et écarté de son poste, est rappelé en urgence pour diriger l'enquête, aidé de sa fidèle  assistante Jin.
Il montre en public une façade favorable aux décisions du parti, mais emploie des méthodes peu orthodoxes pour progresser avec l'aide d'autres opposants et faire parvenir à l'étranger des témoignages sur la situation sanitaire.  

Ce livre regroupe une enquête sans grand suspense, beaucoup de poèmes dont Chen est très féru, anglais ou chinois, il en écrit et en traduit. Mais surtout, sous couvert de polar, des témoignages vécus à Shangaï et des documents qui paraissent authentiques transmis depuis Wuhan en espérant que la censure ne les verra pas immédiatement. Ils racontent les aberrations des décisions face à la pandémie. Par exemple : interdiction d'accéder à un hôpital sans QR code attestant d'un test covid négatif, même pour n'importe quelle urgence, y compris pour les femmes enceintes, sachant qu'en 2020 il n'y avait pas de test rapide.  Conclusion : des morts devant la porte de l'hôpital.
Chen, porte-parole de l'auteur évidemment, participe au mouvement souterrain de contestation tout en étant obligé de garder une attitude publique prudente. La censure, la surveillance tous azimuts, la répression violente du moindre écart de langage, tout cela est digne du 1984 d'Orwell.

Je passe mon tour Aline... merci

31   Très loin de ma zone de confort  

Le Corre, Hervé – Qui après nous vivrez




Paru en 2024. 376 pages.
Une écriture et un sujet magnifiques pour cette dystopie post-apocalyptique très éprouvante. La qualité du livre oblige à se sentir concerné par des scènes terrifiantes.
Les critiques ont parlé à ce sujet de Station Eleven ou de La constellation du chien, qui m'avaient déjà impressionnée. Mais celui-ci atteint le niveau supérieur, celui de La route. Voilà, vous êtes prévenus.

J'ai dû faire de nombreuses pauses, entrecoupées de lectures « normales », pour progresser avec Hervé Le Corre.

Du milieu du XXIe au milieu du XXIIe siècle. La crise climatique a provoqué une brutale catastrophe. Plus d'électricité. Plus rien de la technologie qui nous est devenue indispensable. Une hécatombe humaine. Retour au Moyen-Age et à sa violence sans contrôle.
Le livre suit, en alternant des époques sans suivre l'ordre chronologique, des duos mère-fille sur quatre générations. Rebecca et Alice. Alice et Nour, Nour et Clara, avec un point commun, la fuite perpétuelle.
Néanmoins, elles peuvent parfois trouver dans ce monde corrompu des éclairs d'humanité et d'aide, bouleversants.
Dans tous les cas subsiste une forte pulsion de vie, surtout pour les mères essayant de préserver leurs enfants.

J'attribue à ce livre le prix du plus beau titre de la rentrée. C'est une citation presque exacte de La ballade des pendus de François Villon (1431-1463). Ici la ballade a un double l...
Ce titre reflète exactement le sujet du livre.
Voici la première strophe de la ballade :

Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s’en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

A noter : Le Corre conjugue le verbe vivre au futur et non au présent. Une pincée d'espoir.

Toujours à lire mais quand what is the question

Ce livre est sur ma tablette. Mais là, je suis en train de lire "James" de Percival Everett. Ce sont "les aventures de Huckleberry Finn" , du point de vue de Jim !. Super bien, mais un pavé !
Bises

Je passe pour Le Corre mais ça m'a fait plaisir de retrouver Villon avec ses plus célèbres vers.

Merci à mes visiteuses et mon visiteur.

Merci Aline pour tes avis
J'ai toujours "Après la chute" de Hervé Le Corre dans ma PAL car j'avais entendu de bonnes crutiques.

Bon week-end Aline

J'ai pris Le Corre... on verra bien. Merci Aline